Sur les rails de la décarbonation : quelles stratégies pour le secteur ferroviaire ?
Décryptage des solutions et des défis par Benoît, expert en ingénierie environnementale chez IKOS Group.
Un tiers du réseau français carbure au diesel
Si le train se distingue par sa consommation d'énergie moindre par rapport aux autres modes de transport, un tiers de notre réseau ferroviaire français carbure toujours à l’énergie fossile. Alors que les lignes à fort trafic sont électrifiées grâce au nucléaire, les lignes qui desservent les zones rurales ou périurbaines sont souvent non-électrifiées et nécessitent une attention particulière dans notre quête de décarbonation. Actuellement, selon les données du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, un tiers du réseau ferré français, soit près de 3 000 kilomètres de voies ferrées, est alimenté par des trains diesel. Leur électrification représenterait un coût trop important au regard du trafic et de la rentabilité de l’opération.
L'heure du rétrofit a sonné
Avec environ 1200 rames concernées, le rétrofit s'impose comme une priorité. Il s’agit de la conversion ou la modification du matériel roulant visant à réduire son empreinte carbone grâce au remplacement des systèmes de propulsion traditionnels par des alternatives plus propres. Ces modifications entrainent diverses adaptations pour atteindre des performances semblables à cette motorisation.
Les solutions alternatives fourmillent : hydrogène, batteries, hybride, biocarburants. Chaque technologie offre ses propres avantages et défis. Cependant, le choix ne se fait pas à la légère et repose sur une analyse multifactorielle. Ces facteurs sont à la fois économiques, techniques, territoriaux, d’exploitation, et bien sûr environnementaux, variables suivant les lignes.
L'hydrogène, une voie prometteuse
La création de "hubs industriels" de production d'hydrogène pourrait transformer la donne. Mais attention, cette énergie doit être produite de manière propre pour véritablement réduire notre empreinte carbone. Le défi est de taille, mais les perspectives sont alléchantes. Selon une étude de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), l'hydrogène vert pourrait représenter près de 18% de la demande mondiale d'énergie d'ici 2050, réduisant ainsi les émissions de CO2 de plus de 6 milliards de tonnes par an.
Les batteries : une solution à double tranchant
Selon une analyse du Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne, l'utilisation de batteries au lithium-ion dans le secteur ferroviaire pourrait réduire les émissions de CO2 jusqu'à 70% par rapport aux trains diesel. Cependant, leur impact environnemental et leur faible autonomie ne doivent pas être négligés.
L’extraction de ces métaux rares impacte négativement l’environnement. Acidification des terres et des océans, extraction de terres rares… l’impact de cette industrie dépasse ses émissions de CO2. Ce manquement invite à évaluer l’impact global de ces solutions quand la prise en compte de l’impact seul des gaz à effet de serre serait trop limitée pour une comparaison complète.
La faible autonomie peut également être un obstacle à son adoption. Elle peut néanmoins être surmontée par l’ajout de sections de caténaires le long de la voie ferrée pour permettre la recharge des batteries des trains en cours de trajet.
La formation au cœur du changement
Face à ces mutations, l'humain reste au cœur du changement. Les écoles d'ingénieurs intègrent peu à peu ces nouvelles technologies dans leurs cursus. Des thèses émergent, explorant des méthodologies novatrices pour guider nos choix vers un avenir plus vert. L'heure est venue d'armer nos futurs ingénieurs pour les défis à venir. Selon une enquête menée par l'Union des Industries Ferroviaires Européennes (UNIFE), plus de 70% des entreprises du secteur ferroviaire estiment avoir besoin de compétences spécialisées dans les énergies propres et les technologies de décarbonation d'ici 2025.